Apprentissage Libertin - Chapitre 11
Apprentissage Libertin - Chapitre 11
Alors que j’étais au désespoir de ma cause, mon génie naturel me frappa l’esprit comme une cloche réformée qui, mal attachée à l’église papiste, dégringole de son clocher.
Je me souvins de mon billet de banque gâté, abandonné dans un fourré à l’époque où je ne mesurais pas encore la taille de mes besoins.
Si, par chance, il n’avait pas été empoché, il représenterait ma délicieuse délivrance.
Je me hâtai de retrouver le petit sous-bois où je m’étais soulagé.
Je reconnus le lieu avec aisance.
Nourries de mon riche engrais, les ronces et les orties s’étaient multipliées.
On se serait cru devant l’épicentre des épineux.
Je rangeai mon chariot en bord de chemin et plongeai la tête la première dans cette mer hostile.
Je rampai à travers les fourrés, me battant bec et ongles pour me frayer un passage.
Je mis des heures à fouiller les taillis.
Aux abords, les passants, dans le noir de cette curieuse animation et toujours friands du chimérique, devaient s’imaginer qu’une belle y était éveillée par sept nains privés de dîner.
J’étais à deux doigts d’abandonner et d’aller me pendre au chêne d’un pré vert lorsque, finalement, sous un tas de feuilles mortes, je retrouvai mon billet de banque.
Comme vous l’imaginez, il était sale et souillé, mais encore lisible...
Les intempéries en avaient à peine effacé l’encre.
Religieusement, je réchauffai le papier entre mes doigts tel un pauvre poussin tombé du nid, puis je rampai vers la liberté.
Mon argent avait enfin retrouvé son maître!
Arrivé au bord du chemin, je vis que mon chariot avait disparu.
J’avais à peine retrouvé fortune qu’un fieffé gredin me volait mes roues.
J’étais à présent obligé de ramper jusqu’à l’auge des bêtes pour y laver mon effet.
Je pris les plus grandes précautions pour en déloger les souillures.
Je grattai de mes ongles.
Je frottai de mes doigts.
Mes mains tremblaient sous l’empire de la joie et du froid.
Je m’appliquai si bien que le papier en fut à peine déchiré.
Satisfait, je me traînai ensuite loin de la boue omniprésente jusqu’à une grande pierre plate.
Là, je fis sécher le billet en soufflant dessus comme l’âne sur la nativité.
Après des heures à couver mon enfant, je lui trouvai enfin un aspect convenable.
Il était un peu raide, après mon programme intense de lavage et de séchage, mais il était lisible pour qui le tenait à la lumière. J’embrassai mon salut, déjà triste à l’idée de m’en débarrasser.
La nuit était tombée sur le relais.
Trop impatient pour attendre le matin et désireux de m’assurer une place dans la prochaine voiture pour Paris, je rampai vers le bureau de poste.
J’entrai dans le lieu et fus aussitôt interpellé par l’affreuse bonne femme qui en avait la charge.
— Eh, bougre! Tu ne peux pas te traîner ici... Tu mets de la boue partout.
— C’est que, madame... Je n’ai plus l’usage de mes jambes.
— Ce n’est pas une raison pour tout cochonner.
— La cour est boueuse!
— Ah, c’est que c’est de ma faute, à présent!
— Je paierai pour le nettoyage...
— J’y compte bien! En voilà des manières... Et puis, qu’est-ce qu’il veut à cette heure-ci?
— Une place dans le coche pour Paris.
L’immonde mégère me jaugea méchamment.
— Comment feras-tu pour y grimper?
— Les postillons pourront m’aider.
— Ça te coûtera un supplément, sans oublier leur pourboire.
— N’ayant plus de jambes, je prends moins de place. Sûrement que je ne paierai pas le plein tarif.
— Détrompe-toi, le cul-de-jatte... Je les connais, les estropiés dans ton genre, qui mendient leur tarif réduit... Je te colle un supplément pour grand handicap... Et, je veux que tu me signes une décharge pour peu que tu accuserais le service de diligence de t’avoir mis dans cet état.
— Je signerai tout ce que vous souhaitez mais je vous en supplie... Louez-moi une place!
— Entendu… As-tu de l’or?
— J’ai mieux...
Je lui tendis le billet que je tenais fermement dans mon poing.
Elle le défroissa et, à ma grande surprise, sortit un lorgnon de son tablier.
Suite à une série de jacqueries dans le pays l’année précédente, notre bon roi avait décidé de poster des agents de la maréchaussée le long des axes de circulation.
Je ne l’avais pas vu en entrant mais il y avait justement l’un de ces gendarmes dans le bureau de poste.
Il était occupé à se curer le nez, d’une façon très peu libertine.
— Regarde-moi ça, Leconte, dit la bonne femme en glissant le billet sous le nez morveux de l’homme de troupe.
— Ben, alors? fit-il.
— Regarde...
Le gendarme s’essuya les doigts sur son pantalon puis examina de près le papier.
— C’est un billet de banque..., répondit le gendarme Leconte devant l’évidence.
— Sens-le... Sens-le..., poursuivit la préposée.
Il le renifla un instant puis s’écria aussitôt:
— Boudiou, y sent’ core le varech... C’est du contrefait! C’est de l’argent sale!
— Sale?! m’écriai-je. Je viens de passer des heures à le blanchir...
— Silence, le cul-de-jatte-faux-monnayeur! Tu aurais dû te satisfaire de petites coupures...
Le gendarme empocha la pièce à conviction et pointa son fusil sur ma personne.
— C’est une honte! m’offusquai-je. Rendez-moi mon argent!
— Allez, tu vas te traîner jusqu’en prison, l’invalide...
L’infâme bonne femme, pour faire bonne mesure, me jeta à la tête une vieille patate pourrie.
Pourquoi avait-elle pareil tubercule à portée de main?
Je ne le sus jamais...
Le temps de dire « Vive la Bretagne » et je fus jeté dans un panier à salades du Mans et brutalisé jusqu’à l’illustrissime prison de Nantes.
La prison de Nantes mérite bien sa réputation dans le royaume.
J’avais lu autrefois que celle du sultan de Constantinople, où l’on presse le détenu à l’heure de minuit, était notée comme la plus terrible. Il n’en est rien...
Nantes, ville de l’édit, est Nantes, ville enlaidie.
Rien que le nom me donnait des frissons dans le dos.
Mon procès fut bâclé et tellement rapide que je ne suis plus très sûr d’y avoir moi-même participé.
Vous comprendrez que je devais dissimuler à tout prix mon identité afin de protéger ma famille.
Le scandale aurait éclaboussé la France comme l’eau sale s’échappant d’un déversoir.
Au moment de prononcer mon nom, je me nommai simplement...
Émile X.
Le greffier, ignorant les milliers de plaintes contre mon homonyme, me prit pour un Belge et inscrivit...
Ickx.
Au moment de signer mon jugement, je marquai le feuillet d’une croix, geste que je trouvai particulièrement astucieux.
Finalement, on me jeta dans un cachot.
Lorsque le geôlier voulut me mettre les fers, il réalisa que mon absence de pieds l’en empêchait.
L’affreux bonhomme se gratta le crâne puis, jugeant mon évasion improbable, me laissa libre de mes mouvements.
Jeté à même la paille humide, dans une quasi obscurité, affamé, assoiffé, un infirme, j’eus le réflexe de m’apitoyer sur mon sort.
Je le reconnais...
Je me mis à pleurer à chaudes larmes.
Mes velléités libertines ne m’avaient amené qu’à ma perte.
Condamné à la prison à vie, je ne quitterais plus jamais ces murs suintants.
J’aurais préféré la solitude pour exhaler mon apitoiement mais je sentis le feu d’un regard posé sur ma personne.
Dans la pénombre du cachot, mes yeux s’accoutumant aux ténèbres, je distinguai la silhouette d’un homme.
— Allons monsieur, relevez la tête, me dit l’étranger. C’est au fond des prisons du roi que l’on se sent encore le plus libre.
— Je vous demande pardon? fis-je.
— La liberté n’est pas une forme du réel mais une forme de la pensée... Si vous êtes libre de haïr votre souverain par l’esprit, il n’est pas d’endroit où il puisse vous cacher... Vous serez toujours libre de vos exécrations envers sa personne.
— Sauf s’il vous coupe la tête..., lui répondis-je.
— Ah, de l’esprit... Nous n’allons pas nous ennuyer. Je me présente... Je suis le marquis de Montant-le-Ménil.
— Je suis ravi de faire votre connaissance, m’enthousiasmai-je, au contact d’un égal. Je suis le marquis de X.
L’homme fit tinter ses chaînes et s’avança dans la lumière pâle.
Je vis, à défaut d’habits et de perruque, le visage aristocratique d’un gentilhomme.
— J’ai tout de suite senti, à la façon délicate que vous aviez de vous lamenter, que vous étiez des nôtres..., dit-il. Ah, je trouve offensant de voir de plus en plus d’enfants de la noblesse jetés dans les cachots. Cela ne me dit rien de bon pour l’avenir. Dites-moi... Comment êtes-vous arrivé ici? Quel crime odieux avez-vous commis?
— On m’accuse de contrefaçon... D’être un faux-monnayeur.
— Un art franchement louable... Si l’homme profite en Dieu qu’il profite donc en l’homme... Et si les nobles ne peuvent plus tromper leur tiers état, où allons-nous?
— Et vous, monsieur, si je puis me permettre... De quel crime vous accuse-t-on?
— Moi?… Mais… Je suis un libertin.
J’eus le souffle coupé par cette révélation.
Un libertin...
Un vrai libertin...
Un homme tellement honteux, tellement odieux, qu’on l’avait jeté en prison.
Je vis aussitôt dans le marquis de Montant-le-Ménil comme une lumière d’espoir encore faible et vacillante.
Pourrait-il m’aider à remonter la pente?
Nous passâmes presque trois mois dans ce trou à rats et nous eûmes tout le temps de nous conter nos aventures et nos mésaventures.
Je lui parlai d’Isabelle et de mes déconvenues.
Le marquis de Montant-le-Ménil me fit tourner la tête avec ses succès libertins tous plus luxurieux les uns que les autres.
Il m’enflamma l’esprit de détails et de descriptions piquantes...
D’images cocasses...
Cet homme avait tout vu, tout fait, tout expérimenté.
Il avait usé et abusé de chaque centimètre carré des deux sexes.
Parfois, sa voix vibrait tellement durant l’un de ses récits que j’étais content qu’il fût enchaîné tant je craignais qu’il ne me bondisse dessus et m’invertisse.
De plus, il manquait complètement de modestie.
Il vivait débraillé et déboutonné ce qui, dans l’obscurité d’un cachot, est encore compréhensible.
Mais, lorsqu’il me contait ses aventures libertines, dont il était, bien entendu, le héros...
Il avait la fâcheuse habitude d’exhiber son intimité...
Et, comme si la chose entre ses doigts était un fidèle animal de compagnie, il passait des heures à le cajoler et à le caresser.
Ces manières, que je pratiquais également durant mes loisirs, je préférais les conserver au royaume de l’intime.
Une pudeur naturelle m’obligeait, la plupart du temps, à détourner les yeux.
Un jour, le marquis de Montant-le-Ménil me fit remarquer que je ne participais pas assez concrètement à ses aventures.
Sûrement, elles ne pouvaient pas me laisser insensible...
Je lui fis part de ma retenue à me découvrir devant lui.
— Allons, mon ami, entama le marquis de Montant-le-Ménil, l’onanisme est de loin la plus grande science du royaume de France et tout Français est un maître en la matière. D’ailleurs, nous ne savons rien faire d’autre... Je parle à présent surtout de nos gens d’esprit, nos soi-disant intellectuels... Prenez le monde des lettres, ces auteurs français qui s’emparent d’une idée grotesque comme ils le feraient de leur verge... Ils la massent. Ils la flattent. Ils la cajolent. Ils la tournent mille fois entre les phalanges tordues de leur pensée au point que l’idée, pourtant bien misérable au départ, s’enfle et se gonfle jusqu’à trôner au centre même de leur entendement.
— Pardon? fis-je, sans comprendre.
— Nous pétrissons nos idées. Nous malaxons nos pensées. Nous passons notre temps à les triturer jusqu’à ce qu’un vilain petit jet s’en échappe... Et aussitôt, le Français de crier au génie! Au chef-d’œuvre ! L’élite anglaise ne passe pas sa vie à se purger le poireau. L’Anglais agit.
Une idée lui semble bonne, il la met en application dans le concret.
Il enfante!
Il crée!
— L’Anglais? demandai-je, toujours dans le noir.
— Le Français n’est qu’un pollueur... Un gros ver qui laisse sa traînée baveuse sur tous les continents.
— Mais monsieur, vous et moi, nous sommes français..., m’offensai-je.
— En effet... Nous sommes bien français et, qui plus est, nous sommes des libertins français. Plus qu’aucuns autres, nous vivons exclusivement de notre imagination. Supposez-vous vraiment que tous ces libertins agissent? En avez-vous vu, seulement, un seul à l’œuvre? Non... Bien sûr que non... Nous sommes une nation de menteurs et de fabulateurs... Nous n’aimons que nous-même et l’autosatisfaction que nous nous procurons.
Le marquis de Montant-le-Ménil avait touché en moi une corde sensible.
Il est vrai que, jusqu’à présent, le rêve avait eu la plus grande part de mon apprentissage.
Le seul plaisir que j’avais connu, je me l’étais donné moi-même...
Pour leur part, les libertins ne m’avaient jusque-là offert que de la peine.
— Pourquoi sommes-nous ainsi? demandai-je, au docte marquis. Est-ce l’influence de notre religion? De notre culture? De nos institutions?
Le marquis se mit à rire, puis reprit...
— De tous les peuples de la terre, nous sommes à la fois le plus vaniteux et le plus paresseux... Ces deux caractéristiques conjuguées nous forcent à demeurer alités à inventer notre grandeur. Perpétuellement couchés, nous vivons de prouesses imaginaires dont nous tirons une satisfaction sans égale. Nous ne sommes grands, qu’au lit, mais c’est Onan qui nous veille... Au moment où nous chantons nos propres louanges oniriques, nous polluons misérablement notre couche.
— Diable!
— Il s’en suit alors pour le Français, un court moment d’apitoiement... Nous ne cessons alors de nous fustiger. Subitement, nous sommes pris d’un immense complexe d’infériorité... On s’interroge. On se questionne. On s’autocritique. Par bonheur, les forces nous reviennent vite. On s’imagine à nouveau à la tête du globe. On raille l’Anglais... On dénigre l’Allemand... On se couronne Empereur... Et, le sacre venu, on recommence l'odieux épandage... Et ainsi de suite, et ainsi de suite…
— Pourtant la France a produit beaucoup de grands ouvrages.
— Très peu... Les grands créateurs français sont, la plupart du temps, des étrangers... Nous les importons. Bénie soit la folie des rois lointains plus cruels encore que les nôtres.
— Mais l’homme de souche, du terroir…
— Ne soyez pas hypocrite... Vous méprisez tout autant que moi ce peuple borné et incapable. La masse est abjecte et sordide... Nous sommes un peuple affreux.
— J’objecte!
— Regardez-vous, vous-même! Vous incarnez tout ce dont je parle... Vous n’avez en bouche que cette chimérique Isabelle. Vous l’imaginez servante, paysanne ou bonne sœur... Qu’avez-vous entrepris pour la séduire? Vous inférez, comme nous tous, que tout vous revient de droit. Vous vous imaginez maître avant même d’avoir vu le monde... À la première tape sur les doigts, vous vous lancez sur les routes comme un inconscient. Votre vanité vous habille si bien, que le libertinage vous inspire… Mais, qu’est-ce donc que ce libertinage? Une idée... Une notion abstraite... Une invention de Français trop plein de sève… On se fabrique des activités honteuses tout en réclamant la liberté de chacun... Et pourtant, contre la tyrannie, nous ne faisons rien! Au contraire, on s’y baigne... On s’agite si bien l’esprit qu’on finit par jouir de la moindre tartufferie. Votre libertinage vous a-t-il rapproché de votre but? Que nenni! Vous êtes tel que je suis, couché sur la paille fangeuse d’une prison, à vous imaginer que votre place est à la cour du roi de France où les courtisans n’aspirent à rien de plus grand qu’à se renifler le postérieur... Voilà ce que vous êtes jeune homme... Un gentilhomme français en France.
— Mais pourquoi me racontez-vous tout ça? Vous qui ne cessez de m’emplir les oreilles de vos exploits...
— Je suis votre égal, monsieur, si ce n’est votre maître... Je n’ai pas honte de le dire... Ce comportement est aussi le mien. Je vis éternellement ce cycle maudit. Je m’invente des succès et j’exulte... Ma jouissance passée, je me fustige, puis je fustige notre nation et notre roi. Je dois admettre que, dans ces instants, nous savons être de grands critiques. Nous déclamons si bien nos commentaires éclairés que les autres nations ne retiennent de nous que cette qualité. Ah, ces Français... Ils savent raisonner! Ils sont beaux parleurs! Ils décortiquent si habilement le monde et les sociétés... Tromperies! Ce ne sont que du style et de l’effet... Nous ne savons que nous désengorger. Je viens de démonter la société française? Eh bien, dès que ma sève remontera, je vous en peindrai un tout autre tableau... Je vous dirai combien l’esprit français est le plus vif de la terre. Que tout l’univers tourne autour de nos nombrils et combien ma propre place dans cette France est importante. Moi, qui croupis depuis des années au fond d’un cachot, je vous ferai croire qu’ici habite le plus illustre de vos compatriotes... Et, morbleu, vous me croirez!
Le marquis de Montant-le-Ménil avait l’art pour glisser à l’esprit des notions et des idées que je n’avais pas encore songé à méditer.
Je comprenais un peu mieux les actions apathiques de ces libertins tels que le marquis du Picquet-de-la-Motte ou le marquis de Rollin-Ledru.
Ils affichaient un optimisme de la pensée, une recherche intellectuelle enjouée, une philosophie de l’excitant, mais ils n’agissaient pas.
À la limite, ils laissaient agir les autres.
Je dois admettre que j’avais été un peu naïf entre leurs mains.
Je me promettais, dans l’avenir, de faire plus attention en qui je mettrais ma confiance.
Et pourtant, quoi qu’il dise de lui-même, en bien ou en mal, ce marquis de Montant-le-Ménil était un grand homme.
Il mélangeait si adroitement les récits libertins à de longues réflexions sur la nature humaine...
Cet homme, en grande société, devait briller comme un phare rayonnant.
Je comprenais fort bien qu’il puisse être victime de jalousies et jeté dans une fosse.
Au fil des semaines, mon admiration ne fit que grandir.
Je crois que le sentiment était un peu réciproque.
Il aimait bien ma façon de l’écouter et de le questionner.
J’en vins même à perdre ma pudeur...
Tout en prêtant l’oreille à ses contes lubriques, je participais dans un onanisme enthousiaste.
Nous étions devenus de vrais complices.
Nous parlions candidement de notre avenir et de toutes les grandes choses que nous allions entreprendre.
Nous pourrions être associés en affaires...
Banquiers, escompteurs ou brigands de grand chemin...
Il n’était pas une carrière, pas un grand destin que nous n’eussions imaginé.
Puis, nous eûmes l’envie commune de changer notre quotidien.
Lorsque nous avions terminé d’abuser toutes les grandes dames de la cour...
Fini de détourner à notre profit toutes les grandes fortunes de France...
Achevé de vivre entourés des plus grands esprits du royaume...
Nous évoquions l’idée de nous échapper de notre prison.
Mais, pour ce faire, nous avions besoin de raisonner comme des étrangers et d’échafauder un plan.
Pareille activité était, pour le marquis de Montant-le-Ménil, complètement impossible.