Bicêtre...
Tout notre univers se résumait à ce nom.
Véritable petite cité en bordure de la grande, Bicêtre représentait un modèle réduit de notre société.
Tout de la vie dans ses salles, jusqu’à son organisation politique, rappelait le monde extérieur.
On y croisait quelques nobles qui, pour la plupart, possédaient assez de ressources pour loger dans les étages supérieurs, dans de petits appartements souvent douillets.
Leurs soupers fins étaient livrés par des traiteurs de Paris.
Grâce à leur argent, leurs moindres désirs étaient exaucés.
Ils possédaient tout le confort qu’ils pouvaient désirer.
Quelques ecclésiastiques étaient également présents, des bourgeois aussi, mais c’était la racaille misérable du petit peuple qui formait la plus grosse partie de la population de Bicêtre.
La seule grande différence avec le monde extérieur était que, dans cet établissement sanitaire et carcéral, personne ne portait de masque.
Chacun connaissait parfaitement les crimes ou les déviances de ses semblables.
Par exemple les nobles susmentionnés étaient des pervers et parfois des assassins...
Les curés...
Des satyres et des débauchés.
Les bourgeois...
Des escrocs et des malandrins.
Enfin le peuple, eh bien, le peuple était surtout misérable puisque, pour un crime équivalent à celui de ses supérieurs, il était immédiatement sanctionné de mort.
À Bicêtre, dès qu’un inconnu s’approchait de vous, la méfiance était de mise.
Tous ces détenus étaient capables du pire.
Le grand avantage est que vous le supposiez dès le départ.
En effet, vous ne pouviez faire confiance à personne.
Évidemment, il y en avait bien quelques-uns, braves et naïfs, qui clamaient à longueur de journée leur innocence.
Ils conspuaient du matin au soir l’erreur judiciaire qui les avait entraînés derrière ces murs.
De ces gens-là, il fallait doublement se méfier.
Aux côtés de Croquignol, l’hospice devint mon université.
J’étais redevenu un étudiant pendu aux moindres paroles de son maître, cherchant à imprimer dans ma mémoire une sagesse intemporelle.
De par sa nature, l’homme est un être social.
Il vit d’instinct en communauté comme le font des loups organisés en bande.
La grande différence est que le loup ne trahit jamais la meute.
Il ne tend point de piège à son meilleur ami afin qu’il tombe dans celui du chasseur.
L’être humain est un égoïste individualiste qui ne fait que ce que bon lui semble.
Obligé de tenir un rang dans la société, il se pare du masque de la fourberie.
Estimant qu’il subit le système despotique dirigé par son seigneur, il fomente ses trahisons.
Il complote.
Il ourdit la fin du pouvoir.
Vous comprenez mieux pourquoi ce despote nous est aussi indispensable que l’air que nous respirons.
Ôtez toute autorité et vous obtiendrez une masse d’individus libres, capables de toutes les sauvageries.
Le sang coulerait à flot.
Sans l’autorité arbitraire du directeur de notre établissement, épaulé par sa police secrète, brutale et cruelle, Bicêtre aurait été un lieu de massacre.
Pourquoi vivons-nous ainsi, demandez-vous?
Pourquoi ne pas vivre isolés, chacun sur son territoire.
C’est bien tout le paradoxe de l’homme.
Afin de nous élever, nous avons besoin des autres.
Mieux encore, nous avons besoin d’ennemis identifiables.
Naturellement lâches, vils et cupides, nous sommes dévorés du désir de plastronner en seigneurs.
Mon maître Croquignol, désavantagé par la nature, maltraité sa vie durant, moqué, battu, victime facile de toutes les fureurs des plus grands, avait passé sa vie entière à réfléchir à la condition humaine.
Ayant compris combien elle était abjecte, il était devenu un grand maître de l’autodéfense.
Pour ce faire, il usait de son intelligence, la seule arme qui fût véritablement dévastatrice.
Dans son esprit, une période difficile n’était jamais insurmontable puisqu’il suffisait d’utiliser sa tête.
Je dois admettre que sans Croquignol, je serais demeuré un moine fou et mystique, condamné à tourner éternellement en rond.
Sans lui, je n’aurais pu échafauder le stratagème qui allait me permettre de m’enfuir du cœur des ténèbres.
Sans lui, je n’aurais pu obtenir des habits propres, un bain et les services du barbier.
Sans lui, j’étais mort...
Une semaine après notre décision d’améliorer notre sort, assis autour d’une belle table à dévorer un excellent souper, les larmes me montèrent aux yeux tant j’étais empli de gratitude.
— Merci, merci, ne cessai-je de répéter à mon nouveau parent.
— Allons, mon garçon, cela n’est pas grand-chose. Je n’ai pas oublié tes soins à mon égard. Peu d’hommes ont assez de cœur pour faire ce que tu as fait.
— D’où proviennent ces mets délicieux et ces beaux habits?
— L’hombre! Toujours l’hombre! Je ne t’ai pas encore laissé jouer car je te garde dans ma manche. Tu es mon atout... Morbleu, tu ne t’appelles pas Matador pour rien.
— Trouverons-nous assez de joueurs?
— Il y en a suffisamment à Bicêtre pour nous occuper toute une vie. Dans la collection des êtres corrompus qui habitent cette maison, des vieillards jusqu’aux enfants, tous ne se préoccupent que de leur bien-être, de leurs nécessités et de leurs plaisirs. Comme tu as pu t’en rendre compte, tant qu’il ne nuit pas à l’ordre minimal exigé par notre directeur, le vice se propage en toute liberté. Déjà condamnés, nous ne craignons plus rien des autorités. Autant en profiter... De tous les vices, et ils sont nombreux, le préféré de ces messieurs est sans conteste le jeu puisqu’il permet, du même coup, d’améliorer son quotidien. C’est pour cette raison que des salles entières sont vouées à cette activité. Le jeu de l’hombre est l’un des préférés. On joue à Bicêtre avec le même acharnement que dans les meilleurs salons de Paris. Le décor est peut-être moins plaisant mais ce jeu en vaut bien la chandelle.
— Ma chandelle est morte, je n’ai plus de feu, répliquai-je métaphoriquement.
— Pardon?
— Je crains ne plus être capable de jouer aux cartes et encore moins de tricher. Et si nous étions pris? La justice de ces hommes serait autrement plus expéditive.
— Nous serons vigilants... Nous ne jouerons que contre ceux qui sont prêts à perdre.
— Prêts à perdre?
— Beaucoup de joueurs, lorsqu’ils se mettent à la table verte, se rassurent en se disant qu’ils vont perdre. C’est une forme d’assurance psychologique... Ainsi, s’ils perdent pour de bon, ils sont moins dépités, puisqu’ils étaient déjà convaincus de ce dénouement. C’est trop souvent le cas d’un grand nombre d’entreprises humaines. On se lance dans une aventure avec la certitude inavouée de l’échec. En réfléchissant de la sorte, on l’attire à soi. Le vainqueur est un être déterminé qui ne laisse aucune place à l’insuccès. Il possède l’assurance de gagner. Il n’a pas la moindre parcelle de doute. Cet esprit gagneur, nous devons le cultiver mais, pour ce faire, nous ne devons rien laisser au hasard. Tricher nous assure que nous ne perdrons jamais. Et ainsi, puisque nous ne perdrons jamais, nous serons a fortiori assurés de gagner.
— Tricher est un affreux péché... Si je gagne dans cette vie en trichant, quel sera mon devenir dans l’au-delà?
— Ces balivernes sont inventions de curés. Pourquoi l’Église réclame-t-elle des gens honnêtes? C’est pour mieux les voler... Sache que notre Église est la plus grande organisation criminelle jamais inventée.
— Monsieur, je ne puis vous suivre sur ce terrain!
— Réfléchis mon garçon! Use de ta tête! Le premier indice est bien le lieu de résidence de son chef. Où habite le pape?
— À Rome.
— N’est-ce point là la preuve nécessaire? Le pape est un romain! Un être qui a poussé la vilenie jusqu’à en faire un art. Qu’est-ce que l’Église catholique sinon une organisation privée et secrète? Entre les mains d’Italiens démunis de scrupules, elle s’immisce partout dans le seul but de s’enrichir.
— Et la Bible? Jésus, notre Christ?
— De belles histoires qu’ils ont inventées pour mystifier leurs semblables et assurer leur pouvoir. Ces malins ont bien compris que seule la croyance des hommes dans l’irrationnel pouvait leur assurer une hégémonie mondiale, mille fois supérieure au désuet féodalisme. Le pape de Rome est bien plus puissant que le roi de France. Morbleu, les rois, il les fait! Il n’est pas un seul roi d’Europe qu’il n’ait préalablement béni. Pas un!
— Et le roi d’Angleterre?
— Touché! Les Anglo-Saxons, de par leur esprit mieux ancré dans les réalités, luttent encore et toujours contre le fléau. Je les applaudis tout comme je soutiens tous les schismes qui se développent. Ces Italiens qui œuvrent dans l’ombre de leurs chapelles sont nos véritables ennemis. Un jour, j’ose espérer que nous les détruirons.
— Vous n’imaginez pas détruire l’église?
— Je compte bien dénoncer un jour la vérité d’une organisation secrète et tentaculaire dont le but premier est de détourner les fortunes. Pendant que le roi de France n’a pas un brave louis d’or en poche, ces gens, cloîtrés dans leurs diocèses et leurs évêchés, reposent sur des trésors incommensurables, des trésors qu’ils ont dérobés en mystifiant le peuple et en détroussant nos seigneurs. Cet or ne sert qu’à alimenter leur puissance sans jamais retourner vers une bonne œuvre. Va mendier à ton curé, tu ne recevras qu’un misérable bout de pain. Et encore, à la condition que tu te convertisses et que tu deviennes un apôtre de ses mensonges. Ces gens ne sont en rien charitables... Au contraire, à chaque fois qu’ils ouvrent la bouche il faut les payer. Ils sont dangereux, je te dis! Extrêmement dangereux!
— Je ne sais pas…
— Par chance, des idées nouvelles commencent à circuler. À l’heure où la France s’enfonce dans le désordre, chacun commence à réaliser que le roi n’y est pour rien. Les seuls à dissimuler le bien-être des hommes au fond de leurs immenses coffres ne sont que ces fourbes d’ecclésiastiques. Si seulement le peuple cessait de bâiller à la messe pour enfin se réveiller. Hélas, ces petits esprits sont assoiffés de mysticisme et d’illumination. Les miséreux ne se régalent que de promesses et de mensonges. Faire gober à l’humanité qu’elle montera aux cieux relève d’une effronterie incroyable! Et pourtant, le plus gros de tous les mensonges est celui qui est le mieux accepté. Enjolivée d’historiettes ridicules, cette calembredaine ne fait plus de doutes pour personne, à tel point que les sots sacrifient tout ce qu’ils possèdent pour s’assurer de cette chimère. Quand j’y pense, j’ai honte d’être de la race des hommes... Je préfère redevenir chien! Dire que des êtres doués de la pensée, la gâchent en fumisteries. Que faudra-t-il donc pour nous délivrer?
— Vos idées me bouleversent.
— Cher Matador, je te crois assez malin pour prendre le temps de réfléchir. Tu commences à découvrir de quoi sont faits nos semblables. Tu commences à subodorer que des forces occultes, essentiellement italiennes, font pression sur notre société dans le but de la contrôler. L’empire romain n’a jamais disparu, mon garçon! Il s’est simplement métamorphosé... Il a changé de nom et de visage... Il est aujourd’hui saint et germain. Demain, il quittera la vieille Europe pour traverser les océans jusqu’au Nouveau Monde. Une fois sur place, ces hordes de romains, associés à des meutes de germains conquis par la foi, rebâtiront un nouvel empire sous la bannière étoilée de la mystification divine.
Ces longs discours de Croquignol lors de nos repas me jetaient dans le doute le plus extrême.
Il n’est pas facile d’apprendre surtout lorsque l’on a déjà tant appris.
Je ne pouvais croire en ses paroles et pourtant chaque scène dont j’avais été le témoin me rapprochait de sa vérité.
La nuit, alors que je trouvais difficilement le sommeil, je parvenais à me convaincre que tous mes malheurs émanaient de mon manque de vertu.
Si je n’avais pas sombré en jouant aux cartes dans le but de financer mon théâtre, je n’aurais point été puni.
Je supputais alors que si je jouais de nouveau, surtout en trichant ouvertement, je serais de nouveau sanctionné.
Je crois en Dieu, en Jésus et en l’Église car ne plus y croire serait arrêter de respirer.
Dieu nous surveille...
Il nous éduque à sa manière et les leçons de ce grand maître ne peuvent être ignorées.
Mais ne pas jouer, ne pas tricher, c’était aussi trahir Croquignol...
Dieu m’avait abandonné aux fous tandis que Croquignol m’en avait libéré.
La sagesse exigeait-elle de moi que je retourne vers cette déchéance?
La religion n’était-elle donc que mortification?
Ou était-ce l’invention d’hommes sans scrupules?
En effet, si l’Église florissait, pourquoi ne l’imiterais-je pas?
— Le grand jour est arrivé! Es-tu prêt, mon garçon?
— Prêt?
— J’ai repéré un gros poulet que nous devons plumer. Mais, j’ai besoin de toi.
— Déjà?
— Oui.
— C’est que j’ai peur.
— Peur?
— Peur aussi qu’on me reconnaisse. C’est que j’ai déjà joué…
Je racontai alors à Croquignol tous les détails de la terrible nuit de ma damnation.
Le nain m’écouta avec la plus grande attention.
— En effet, tu es en danger... Je crois deviner, en ces joueurs masqués, les plus puissants de nos ennemis. Une raison de plus pour quitter ce lieu. Je ne crois pas que quelqu’un ait pu t’identifier sinon tu serais déjà mort. Par contre, ton histoire me rassure sur tes capacités. Si tu as réussi à rouler les plus grands voleurs de la terre alors c’est que tu possèdes la trempe nécessaire. Tout sera très facile!
— J’hésite encore.
— Mon garçon, tu as encore beaucoup à apprendre. Je ne t’ai pas assez instruit. Tu dois en premier lieu te défaire de tout esprit d’obéissance, qu’elle soit parentale, légale ou morale. C’est à ce prix que tu obtiendras ta liberté... L’obéissance à une autorité est bien le frein à tout individualisme. La religion et les seigneurs veulent t’imposer une obéissance qui leur rapporte. Tu leur obéis en payant bravement obole et impôt. Pour t’aider, ils ont ordonnancé leurs lois et publié toutes sortes de codes, de règles et de préceptes. On veut nous faire croire que celui qui obéit le mieux à toute cette affreuse littérature sera le mieux récompensé. Il sera surtout récompensé en perdant toute liberté! Reprenons ton histoire, mon garçon... L’obéissance eût voulu que tu fusses aujourd’hui ici, à Bicêtre, étudiant de ce brave docteur Guillotin dont tu m’as dis tant de bien. Tes longues heures d’étude, ta présence à l’église et ton sérieux te récompenseraient de toutes sortes de douceurs... Diplômes, sacrements, maison, femme, enfants, relations… Mais, au fond de toi, au fond de ton âme, serais-tu heureux? Entouré de tous ces accomplissements aurais-tu le sentiment d’avoir réalisé ta destinée?
— Euh…
— Nenni! Ton aventure à Paris, ta première expérience de liberté, en est bien la preuve. Ton unique passion se nomme le théâtre et c’est elle qui te pousse à désobéir. Ta passion est violemment condamnée par la société parce qu’elle écarte un bon serviteur de son organisation. La meute a besoin de braves gens, esclaves de son système. Elle n’a que faire de bateleurs et d’amuseurs qui agitent les consciences. De plus, notre société se méfie des loisirs... Le penchant de l’homme pour la détente le détourne de son état productif. La nation réclame des soldats, des ouvriers et des paysans qui ne pensent à rien d’autre qu’à leurs obligations. Ces gens ne doivent pas lire! Ils ne doivent pas se divertir! Ils doivent craindre Dieu et leur roi! C’est tout! Comédien? Tu es maudit d’avance! Tous te condamneront et en particulier le pape et sa horde de romains... As-tu vu Le Mariage de Figaro?
— Hélas, non… Et ma mère m’a interdit d’acheter le livret.
— J’étais à la première! Un merveilleux spectacle qui mérite des éloges sans fin! Quelques idées, de la gaieté, du rire… Et quoi? Les nations du monde entier, les seigneurs et les curés de trembler à l’idée que l’on puisse montrer en France pareil spectacle! Comment? L’invention d’un gentil amuseur, un petit texte léger et truculent, on en fait une menace pour l’humanité entière! Les idées de cette pièce de théâtre sont-elles dangereuses? Oui, car le message formulé est bien celui de la désobéissance... Désobéissons à nos parents! À notre roi! À notre évêque! Laissons libre cours à nos fantaisies! Partons à la découverte du globe! Soyons libres! Mais n’obéissons pas! N’obéissons jamais aux lois terrestres et célestes. Voilà, mon garçon… Ton jeu t’attend. Tu vas compter les cartes et tu vas tricher comme jamais parce que brûle en toi un feu sacré que tu dois conserver. Use de ton soufflet de fantaisiste afin qu’il se ravive... N’étais-tu pas le plus heureux des hommes lorsque, sur scène, tu étreignais ta belle comédienne? N’existait-il point de plus beau firmament? Et d’ailleurs, dès que nous serons sortis d’ici, nous dépenserons notre argent jusqu’à ce que nous l’ayons retrouvée. Je crois comprendre, à ce que tu m’as raconté, qu’elle t’aimait sincèrement... C’est ton obéissance au monde qui t’a étouffé.
— Louise…
— Tu vas tricher pour elle, pour la retrouver et pour la sauver des griffes de ce misérable Spadille.
— Vous pensez que je…
— Tu as mal agi! Tu ne l’as point écoutée! En t’avouant son état, elle cherchait ton soutien et ne s’attendait pas à ce que tu la chasses.
— Elle disait qu’elle aimait Spadille…
— Vas-tu obéir aux règles ineptes ou bien écouter ton cœur? Une femme pareille, rien ne doit t’empêcher de l’aimer. Tu dois relever la tête et te battre pour elle!
— Mais… Comment la retrouver?
— Certainement pas en moisissant dans ce trou... Allons, nous n’avons que trop perdu de temps. À nous de jouer!
Et c’est ainsi, au nom du sauvetage de Louise, que je me remis à compter les cartes.
Croquignol ne pouvait que s’en féliciter.
Je n’avais pas oublié mon admirable comédienne et je reconnaissais le tort que je lui avais fait.
En vérité, c’était le matin où je l’avais chassée qu’avait débuté ma damnation.
Si Louise était restée à mes côtés, le père Batave ne serait point parti.
Il aurait su éloigner les créanciers.
Nous aurions pu jouer!
De toutes mes fautes, ma trahison de Louise était la moins pardonnable mais il n’était pas trop tard pour tout recommencer.
Alors que nous étions au bas de l’échelle de notre société carcérale, grâce au jeu de l’hombre nous nous élevâmes rapidement vers son sommet.
Nous jouâmes jour et nuit sans jamais nous lasser.
Nos gains étaient modestes mais permanents.
Ce travail de fourmi nous permit de nous alimenter correctement, d’acheter du vin et du pain blanc.
Nous fîmes venir de Paris des tailleurs.
Nous employâmes des lingères et des servantes.
Nous louâmes une chambre que nous fîmes décorer avec goût.
Nous achetâmes protections et influences afin de ne point nous faire détrousser.
En résumé, nous nous comportâmes comme n’importe quel citadin qui aurait usé de son métier pour avancer dans la société.
Notre réputation de joueurs devint fameuse.
Matador et Croquignol, le grand jeune homme et le vilain nain borgne devinrent synonymes de l’hombre.
Plus notre renommée se propageait, plus nous trouvions des joueurs décidés à nous battre.
Des plus pauvres aux plus riches, tous voulaient se mesurer à notre légende mais, inévitablement...
Leurs deniers tombaient dans nos escarcelles.