Nez Grillé - Chapitre 9
Nez Grillé - Chapitre 9
L’observation du globe terrestre en miniature ne révéla pas l’évidence.
À y regarder de plus près, je vis, malgré des striures longitudinales, que la topographie représentait une géographie fantaisiste.
— On dirait un archipel d’îles ou d’îlots, annonçai-je à Martin la fouine, lui-même trop exalté pour toute observation méthodique. Nous devrions examiner des cartes.
— Des cartes? s’étonna le pirate.
— Oui, des cartes!
— Des cartes à jouer?
— Non, des cartes maritimes!
— Des cartes à jouer maritimes, alors? J’en ai déjà vu dans une taverne de Lorient. Les figures sont remplacées par des marins légendaires. De Gama, le roi de pique; Colomb, le roi de carreau; Duguay-Trouin, la dame de cœur!
— Non, non… Je ne parle pas du jeu de bataille navale mais bien de navigation. Sûrement que vous avez déjà vu une carte maritime!
— Jamais entendu parler!
— Mais, voyons, comment faites-vous pour établir votre route en mer?
— Je navigue à la pirate!
— À la pirate?
— À vue de nez! Le compas dans l’œil! Comprenez que notre profession est composée exclusivement d’analphabètes. La piraterie ne requiert l’obtention d’aucun diplôme ce qui, après l’élégance tapageuse du costume, la rend si populaire.
— Va pour le matelot, mais le commandement…
— J’ai débuté timonier. Je navigue en m’aidant des astres, du soleil, de la lune et des étoiles de mer... Il suffit que tu m’indiques une destination en précisant la route à prendre, comme par exemple : la grand-route, la route du rhumb, la route du rhum ou encore la route du rhume et je t’y mène. Après toute une existence à sillonner les océans, j’ai appris, en autodidacte, à sentir la rose des vents.
— Puis-je alors vous tirer une épine du pied en cherchant, parmi les affaires du capitaine Garret, la carte maritime qui pourrait nous aider?
— Ne te gêne point, Anselme! Fouille, furète, fouis tout ce fichu fourbi... Tant que tu m’en fourniras les fruits! Mais, avant de t’y fourrer, allons informer mes frères et autres affiliés de ma famille.
— Vos hommes sont tous vos parents?
— Pirates de père en fils! D’oncle en cousin! De parrain en filleul! Dans ce métier, nous chérissons les liens du sang.
— Ne disiez-vous point que la profession était ouverte à tout illettré?
— Tant qu’il est de ma famille!
— Vous vivez, dans le fond, à l’image de la noblesse de France.
— Je te prie de ne point comparer ma maison à cette horde de sauvages! Le pirate obéit à un code moral vénérable... Tu ne nous verras jamais nous corrompre, nous spolier, nous rançonner les uns les autres! Enfin,… Pas systématiquement.
— Je vous prie de m’excuser et permettez-moi de m’incliner devant votre sainte communauté.
— Par la liesse ad patres, le clergé est bien le pire! Tu ne verras jamais un pirate… Ah, je ne puis point les nommer tant leurs crimes me sont odieux.
— Tout de même, le meurtre vous est routinier, de même que le pillage, le brigandage et la rapine.
— Il faut vivre avec son temps... Mais, dis-moi mon gaillard, d’où tiens-tu tous nos secrets?
— Je sais lire et vos exploits font l’objet de moult comptes-rendus.
— Je le sais, c’est notre faiblesse... Le pirate est un incurable vantard doublé d’un inlassable bavard. Mais, on ne se refait pas. D’ailleurs, je remarque, mon gaillard, que tu as subitement la langue bien pendue.
— La fin de mon épreuve médicale et mon acceptation en votre sein m’ont libéré d’un fardeau énorme sur les épaules.
— Ma foi, tu m’as tout l’air d’un bon bougre... Sache tout de même que je finirai bien, un jour ou l’autre, par te pendre. À moins, bien entendu, que tu n’épouses bien vite l’une de mes nièces. Quel dommage que nous ne soyons pas à Nantes. Un jeune homme vaillant tel que toi ferait bien l’affaire de la petite Clotilde. Un solide bout de bonne femme qui manie la hachette telle un boucanier des îles Sous-le-Vent. Gare de ne point y mettre trop vite la main!
Martin la fouine éclata d’un puissant rire caverneux.
Me prenant momentanément pour un membre de sa maisonnée, il me tapa violemment dans le dos tout en me poussant vers la sortie.
Jonglant avec la sphère dans sa main droite, le pirate troubadour chanta ensuite jusqu’à la dunette.
Levant le nez dans le vent, heureux d’aérer mes bronches polluées, je fus choqué en découvrant un nouveau spectacle effrayant.
La flèche du grand mât était à présent ornée d’une épouvantable grappe de pendus.
En un éclair, je reconnus les deux jeunes aspirants Cauchy et Barbet, le matelot Keradec ainsi qu’une demi-douzaine des hommes du capitaine Garret qui avaient vraisemblablement refusé de se joindre à la bande de fauves.
Une véritable pendaison de crémaillère à la pirate!
Martin la fouine demeura indifférent devant l’horreur, préférant se précipiter vers la balustrade.
D’eux-mêmes, ses complices, avides de nouvelles, se regroupèrent sur le pont en contrebas.
Je remarquai aussitôt que ces hommes avaient quitté leurs déguisements de bons marins ou, plus judicieusement, s’étaient déguisés en affreux pirates.
Tous étaient affublés d’une multitude d’armes en tous genres: pistolets, sabres, dagues, hachettes; et d’une véritable collection de bijoux dorés: boucles aux oreilles, au nez, bagues aux doigts, chaînes et bracelets.
Leurs visages auparavant hideux, maintenant parés d’artifices, en devenaient terrifiants.
— Mes frères! s’exclama Martin la fouine d’une forte voix paternaliste.
— N’oubliez pas vos cousins et vos neveux! lui fis-je remarquer.
— Silence, bougre! N’interromps pas ma harangue pirate...
Le capitaine, se tournant vers ses hommes aussi impatients que des garnements à l’approche de la Saint-Nicolas, gonfla son immense torse et expectora un puissant:
— Chers frères, oncles, cousins, neveux et filleuls!
— Kek, n’oublie pouaint ton pupille! cria un du fond.
— Et pupille! ajouta le tuteur à bout de souffle.
La puissance physique et l’ascendant moral que dégageait le chef pirate étaient véritablement envoûtants.
— Nous sommes les maîtres de la Proserpine! cria-t-il à son public.
— Hourra!
— Bravo!
— Viv’ l’ cap’tain’!
— Viv’ l’ Fouin’!
— Viv’ l’ Pross’pertin’!
— Mais, poursuivit le chef de bande, nous sommes par-dessus tout en possession d’une… d’une… d’une… d’une…
— D’un’ dun’?
— Kek un banc d’ sabl’?
— Kek un banc d’ harengs?
— D’une piste! reprit le pirate de nouveau stabilisé.
— L’ pistach’! jubila, du fond, un farceur.
— Silence, bande de sot-l’y-laisse! reprit Martin la fouine. Ce que je veux vous dire c’est… que… euh… plus précisément… nous possédons… une… une espèce de carte… maritime… avec une petite croix… qui indiquerait une île… ou un îlot.
Un silence confus retomba sur l’assemblée.
— Kek sé k’un’ cart’? questionna, enfin, un curieux du premier rang.
— Euh… Ben… Cela dépend… C’est pas très clair, reprit la Fouine embarrassé.
— C’est un bout de papier! répondis-je pour l’aider.
Le chef pirate fut à la fois heureux et furieux que j’eusse subtilisé son auditoire.
— Viv’ l’ papier! s’écria un enthousiaste.
— C’est un bout de papier avec le dessin d’une île, précisa Martin la fouine en reprenant le dessus.
— Kek du Nil ou d’ l’ Loir’?
— Une île, bougre d’abruti!
— Kell’ îl’? demanda un barbu, peut-être un oncle à la mode de Bretagne.
— L’île au trésor! conclut catégoriquement le chef pirate.
— Viv’ l’îl’ au trésor! répondirent-ils en chœur en joignant à la parole de rudes tapes dans le dos et des embrassades viriles.
— Kek’il é où c’ papier? demanda un Judas Iscariote.
— Il est là! exulta le chef pirate en exhibant entre deux doigts de sa main droite la petite sphère d’or.
Tous les pirates s’observèrent décontenancés.
Timidement, l’un d’eux se mit à battre des mains.
Le son entraîna les autres à l’imiter pour les entraîner tous dans une mélopée d’applaudissements qui, à défaut d’être fervents, demeuraient encourageants.
— Mais ceci n’est point le seul trésor en notre possession! ajouta Martin la fouine.
Une clameur expectative fit taire les mains.
Le frère de la côte éleva dans sa main gauche la clé des soutes que m’avait confiée autrefois le capitaine Garret.
— Voilà enfin de quoi boire, chère famille!
— Kek on va boir’ une clé? s’interrogea un cousin particulièrement festonné.
— Kré non, imb’cil’, le corrigea son père. Kek t’as donc pouaint suivi? Kek sé la clé d’ coffr’ d’ trésor d’ l’îl’ en papier!
— Kek l’îl’ est dans l’ sout’?
— Kek non, l’ trésor!
— Ouais, kek sé d’ papier-monnaie!
— À l’ sout’!
— À l’ sout’!
— Viv’ l’ sout’!
— Eh… l’ soutan’!
Les joyeux énergumènes encerclèrent immédiatement le grand panneau.
Laissant Martin la fouine s’y enfoncer le premier, ils disparurent en un éclair dans le ventre du navire.
Il ne demeura alors sur le pont plus une seule âme, puisque celles des pendus s’étaient déjà envolées et la mienne était restée à Nantes couchée dans un grand livre.
Une fête pirate représente un événement haut en couleur qui mérite, une fois dans sa vie, d’être vécu.
Une barrique d’eau-de-vie fut amenée sur le pont.
Chacun vint y remplir sa tasse.
L’alcool, vraisemblablement frelaté, n’effraya aucun de ces hommes.
Du plus vieux au plus jeune, hormis le mousse d’un naturel sage, chacun vida d’un trait sa timbale en saluant son exploit de grimaces toutes plus divertissantes les unes que les autres.
Cinq minutes plus tard, ils étaient ivres.
Ils se mirent alors à chanter des chants discordants, à peine compréhensibles, où de joyeux pirates enlaçaient des filles de salle tout en éclusant des bouteilles de rhum.
À moins que ce ne fût l’inverse...
Encore dix minutes plus tard, les chants se firent moins passionnés.
Chacun s’étant trouvé un coin tranquille où s’allonger, la malsaine famille finit par sombrer dans un profond sommeil.
N’ayant avalé la moindre goutte du redoutable breuvage, je me retrouvai de nouveau seul sur la dunette aux commandes d’un ronflant navire voguant, sans gouverne, vers l’inconnu Atlantique.
L’idée m’effleura de mettre la yole du capitaine à la mer et de souquer loin de cette bande de sauvages mais, l’évasion me sembla périlleuse.
De plus, je sentis qu’on me tirait par la manche.
Le jeune mousse, armé d’un minuscule pistolet, me tenait en joue.
Je compris à son air déterminé que l’enfant peu bavard était, comme avant, chargé de me surveiller.
— Allons nourrir les poissons, l’invitai-je amicalement.
M’armant d’un grand sabre pris sur un petit ronfleur, je répétai ma corvée ascensionnelle en tranchant les cordes à danser des pendus.
Un vrai métier de damné, je vous dis!
Plus tard, les restes du capitaine Garret les accompagnèrent dans l’infini marin.
Tant pis pour le pied de son arbre...
Mais, quelle importance?
J’avais déjà tant manqué à ma parole.
Pendant mon bain, le gamin se préoccupa du ménage.
En fin de journée, habillé de propre, savonné et récuré, je fus ébloui de voir la grand-chambre immaculée.
Il ne demeurait plus une seule trace de l’effroyable opération.
Le nettoyage de ma mémoire ne serait point aussi aisé...
Impatient de découvrir le trésor, je me mis au travail en étalant sur notre table toutes les cartes maritimes auparavant rangées dans le coffre du capitaine Garret.
Je dus admettre que beaucoup de ces documents étaient d’une imprécision flagrante.
On eût cru qu’elles eussent été tracées par des vieillards tremblotants à qui l’on suppléait l’oisiveté en distribuant des plumes et de l’encre.
Chargeant mon jeune surveillant d’extirper notre carte au trésor du poing serré de son oncle endormi, je pus de nouveau l’étudier.
Le globe du capitaine Garret ne présentait pas de rose des vents et je ne sus comment l’orienter.
— Autant chercher une aiguille de compas dans une mer de foin, dis-je au mousse qui ne me quittait pas des yeux.
Ma fantaisie ne l’amusa point.
Les enfants sont si scrupuleux.
Durant toute la nuit, à la lumière de la lanterne, je travaillai par élimination.
Épuisé, je finis par m’endormir couché sur la mer des Sargasses.
Je fus réveillé à l’aube par le claquement violent de notre porte.
Comme anticipé, Martin la fouine, pâle comme un linge, hébété et titubant, entra en se tenant la tête.
— Quelle migraine! se plaignit-il. Je n’en avais pas eu de pareille depuis le mariage de ma nièce Suzon à son grand-oncle du côté de sa mère, mon cousin Grégoire.
— Vous devriez vous contenter du vin sucré, conseillai-je en bon médecin.
— Par les ivresses d’une ivrognesse, il n’est point de boisson qui effraie le pirate! J’ai bu du rhum, du brandy, du whisky, de la vodka et du schnaps, le tout mélangé dans la même pinte. Ce petit alcool breton ne m’effraie point...
— Coupez-le au moins d’eau... Vous rallongerez d’autant votre temps de festoiement.
— Apprends, mon gaillard, que le pirate ne boit jamais d’eau. Il a bien trop peur de s’y noyer!
— Eh bien, que puis-je ajouter d’autre que : «À votre santé».
Ruminant le vide de sa bouche pâteuse, Martin la fouine s’écroula dans un fauteuil
— Alors, où est-elle cette île au trésor?
— J’y travaille, lui répondis-je.
— Ne traîne pas! Nous allons tourner dans les parages en attendant.
— Et les esclaves?
— Quels esclaves?
— Nous sommes à bord d’un négrier.
— À bord d’un vaisseau pirate, mon gaillard! Nous n’allons point nous fatiguer à charger du nègre. Nous voulons charger de l’or!
Martin la fouine n’avait pas fini de dire ces mots qu’une agitation subite anima le pont.
— L’ fouin’! L’ fouin’! cria un marin.
— Ne m’appelez pas la fouine! On est pas à la maison, nom de Dieu, hurla le pirate dessoûlé.
— P’rrain, p’rrain, vi’ns vit’ vouér!
— Capitaine! Je suis le capitaine! hurla-t-il à son filleul.
Nous suivîmes l’agitation et nous remontâmes sur la dunette.
Alors que nous avions vogué jusqu’à présent dans le plus grand isolement, nous vîmes apparaître un navire à l’horizon.
Et quel navire!
Toutes voiles dehors, puissant, majestueux, il filait vivement sous le vent dans notre direction.
Armé d’une longue vue, Martin la fouine tenta de discerner la nationalité de ses propriétaires mais, pas complètement remis de sa boisson, il préféra me tendre l’instrument.
J’y collai mon œil cherchant à stabiliser la lunette sur la ligne d’horizon lointaine.
Le navire m’apparut magnifié.
Flottant en haut de son grand mât, je vis clairement l’épouvantable symbole de mort, l’emblème exécrable de la sauvagerie meurtrière, du brigandage, du pillage et de la rapine.
— Des Anglais! m’écriai-je.
L’effroi se lut sur toutes les gueules de bois.
— Comptez ses pièces de canon! m’ordonna le chef pirate.
— J’en compte six à tribord.
— Kek sé beaucoup ça? demanda un cousin alarmé.
— Ce n’est qu’un négrier! nous rassura Martin la fouine.
— Qu’allons-nous faire? m’inquiétai-je.
— Allons les enfants, la fête est finie! Hissez les voiles! Et remettez vos costumes de bons marins bretons... Après tout, nous ne sommes qu’un négrier comme les autres et ils ne trouveront rien d’anormal à notre présence.
— Vous n’allez point les aborder, les soumettre et les piller? m’informai-je.
— Doucement, mon gaillard! Les négriers ne sont bons à prendre que lorsqu’ils retournent à Nantes ou à Liverpool. Celui-là n’est chargé que de pacotille et nous ne voulons, en aucun cas, qu’il nous signale à leurs frégates qui patrouillent.
L’équipage s’agita aussitôt.
Armes et bijouteries furent escamotées.
Chacun reprit son poste.
Par chance, personne n’avait eu l’idée de faire flotter à notre mât le drapeau noir.
Par supercherie, les pirates hissèrent un magnifique étendard bleu marine à croix blanche, rehaussé au centre d’un écu à trois fleurs de lis, qui se mit à claquer dans le vent.
La magnificence de ce symbole de France me gonfla d’émotion.
Le rosbif était d’une rapidité époustouflante.
Il ne fallut pas plus d’une heure pour qu’il parvienne à notre hauteur.
Je tremblai de savoir, si proches de nous, des représentants du peuple le plus barbare et le plus hégémonique que la terre eût jamais portés.
Bientôt, nous pûmes distinguer les visages des marins anglais en route vers les côtes d’Afrique.
Nos deux bords étaient alignés de nos équipages respectifs.
L’instant fut extrêmement pesant.
Nous nous toisâmes avec la plus grande méfiance.
À voir les Angliches de près, je leur trouvai néanmoins une apparence correcte.
Les hommes d’équipage nous saluèrent amicalement.
Ils avaient des allures de solides gaillards droits et bien nourris.
L’éclat de propreté de leur pont et de leurs tenues m’impressionna et, perchés sur le gaillard d’arrière, les officiers affichaient une allure magistrale.
Les boucles et les boutons étincelaient.
De notre côté, les débris, les souillures et la crasse endémique de notre pont et de notre équipage claironnaient la médiocrité de notre bâtiment.
Je dois l’admettre, nous avions piètre allure et je ressentis un sentiment d’orgueil blessé et de gêne à me présenter ainsi devant des étrangers.
J’eus, sur le moment, l’envie impérieuse d’attaquer et de couler les ignobles albinos afin de les soigner de leur odieuse crânerie.
Martin la fouine devait lire dans mes pensées car il me dit:
— On aimerait bien les moucher, ces morveux!
Je sentis que, lui aussi, rongeait son frein.
Puis, dans une manœuvre éblouissante, le négrier anglais vint se coller plus près de nous encore.
De son porte-voix, un officier nous salua d’une insultante et postillonnante fraise anglaise.
Le son profondément injurieux fit éclater de rires replets l’équipage concurrent.
En réponse à cette outrageante attaque, nos hommes, alignés le long du bastingage, répondirent spontanément de leur science du vilain mot, du vilain geste et, je dois bien l’admettre, de l’exhibitionnisme le plus inconvenant.
Martin la fouine craignit sur le coup que cet étalage malodorant ne nous démasquât.
Mais, à présent déboutonnés, il eût été impossible de contrôler ses hommes.
J’admets que j’eus un pincement au cœur devant l’érudition vulgaire de la famille de Martin la fouine.
C’est que l’Angliche ne rigolait plus tant notre propre grossièreté était infamante.
Au son d’un sifflet, le négrier anglais changea brutalement de cap.
Blessé dans son honneur, tout penaud, il fila à la manière du pays et cette débandade de leur part, notre victoire magistrale en haute mer, m’enflèrent de la fierté inexpugnable d’être Français.